Breil: un pompier a-t-il tué le retraité qu'il venait sauver?À Breil, les langues ont du mal à se délier.
À Breil, un pompier volontaire est accusé d’avoir frappé et provoqué la mort d’un octogénaire refusant de quitter sa maison menacée par les flammes. Les deux hommes étaient en conflit.
Depuis deux ans, le hameau perché de Libre, sur la commune de Breil-sur-Roya, retient son souffle. Dans ce superbe bout du monde, difficilement accessible par une étroite route de montagne, les quatre-vingts habitants attendent de connaître les causes du brutal décès d'un des leurs.
Frappé par un pompier volontaire lui demandant vainement de quitter son domicile menacé par un incendie, Jean-Baptiste Gastaldi, 86 ans, s'est écroulé sur le sol. Transporté à Nice, cet agriculteur à la retraite, célibataire sans enfant, est mort quelques heures plus tard à l'hôpital de Cimiez. A-t-il succombé des suites des coups de poing portés par Christophe Dubois, 26 ans ?
La justice le pense, qui tout en laissant le pompier en liberté l'a mis en examen pour « coups et blessures volontaires sur personne vulnérable ayant entraîné la mort sans intention de la donner».
Une histoire de chien empoisonné
Christophe Dubois et Jean-Baptiste Gastaldi, c'est certain, ne s'aimaient pas. En juin 2009, le premier avait déposé plainte en reprochant au second d'avoir empoisonné son chien.
Sous l'emprise de la boisson, Christophe a-t-il laissé libre cours à sa rancœur cette nuit du 16 au 17 janvier 2010 ? Quelques heures plus tôt, il avait en effet beaucoup bu - 1,8 g d'alcool a ultérieurement été retrouvé dans son sang - lors d'un repas festif dans un local associatif.
Peu après minuit, la Fiat Punto de son « ennemi » s'embrase. Les flammes gagnent deux autres véhicules en stationnement. Elles commencent à lécher la façade de la maison Gastaldi. Alerté, le jeune pompier, par ailleurs plombier, passe par l'arrière de la bâtisse et tente d'en faire sortir l'octogénaire, qui « refuse tout net ». Il admet lui avoir alors asséné deux coups de poing, dont un violent.
Un supplément d'enquête
« Très excité », selon des témoins, Christophe Dubois est placé en garde à vue et interrogé par les gendarmes de la brigade de recherches de Menton. « M. Gastaldi n'était pas aimé du village,assure-t-il. Il avait la réputation de tuer chiens et chats. »
Le rapport d'autopsie semble incriminer le suspect, dont les coups auraient entraîné une hémorragie fatale. Mais des zones d'ombre demeurent, qui incitent le juge d'instruction à ordonner un supplément d'information. « À ce jour, on n'a pas la certitude que les violences sont directement à l'origine du décès, plaide à la défense Me Bernard Ginez.Mon client était venu sauver le retraité. C'est une triste et regrettable affaire. »
Suspendu par sa hiérarchie
Le pompier, qui n'a pas souhaité s'exprimer dans nos colonnes, sera fixé d'ici quelques mois sur son sort. Il bénéficiera d'un non-lieu ou sera renvoyé devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes.
Dans l'immédiat, il est suspendu par sa hiérarchie. Nicole Bertaïna,
chef des pompiers de Breil (1) à l'origine de cette mesure provisoire, décrit« un garçon sympa »,ne lui ayant causé jusqu'ici « aucun souci ». Jean-Baptiste Gastaldi était moins apprécié de divers voisins, qui dépeignent un « solitaire un peu irascible ». « C'est vrai, il était bourru, nuance le maire de Breil, Joseph Ghilardi. Mais s'il râlait souvent, il avait le cœur sur la main. Quelques jours avant sa mort, il a cédé gratuitement à la commune du terrain pour ouvrir une piste d'accès à un réservoir d'eau. »
1. Celle-ci précise que le jour du drame, Christophe Dubois n'était pas d'astreinte.